Comme tu le sais peut-être déjà, j’ai récemment emménagé dans ma nouvelle maison.
Un espace de vie que j’ai construit (presque) de mes propres mains. Cette maison, je l’ai dessinée moi-même avec l’aide de mon amoureux et d’un architecte, je la connais par cœur et j’ai beaucoup attendu pour avoir les clés.
Aujourd’hui, je la meuble petit à petit. Quand on construit une maison, tout part de zéro. Ce n’est pas comme une maison ou un appartement que tu vas acheter et rénover esthétiquement et à ton goût au gré de tes envies. Non. Là, la page est blanche et c’est à toi de la noircir. Et tu DOIS le faire, car sinon, tu vis dans les cartons et le marasme complet. Tu commences par peindre les murs, ensuite, tu poses du parquet au sol, tu installes un chauffage, tu achètes les ampoules (!). Les to-do lists deviennent tes meilleures alliées. Et après vient l’étape de l’ameublement des pièces. Lit, canapé, chaises, table… l’idée dans un premier temps est de vivre comme les gens normaux, ce qui relève déjà de l’exploit.
Ensuite, tu passes au niveau suivant. La déco. Quand tu commences à installer les plantes vertes, dis-toi que tu vas enfin commencer à profiter. Mais avant cela, tu vas devoir ajouter de la couleur aux murs, afficher des cadres, accrocher des patères, des miroirs…
Évidemment que tous ces aménagements ont un prix.
Certes, tu n’auras pas besoin de rénover ta maison dans les prochaines décennies, car les murs sont neufs, mais comme tu pars de zéro, tu dois investir beaucoup d’argent pour te sentir un minimum à l’aise.
Pour ne pas trop plomber le budget, et par souci d’éthique, j’ai fait le choix de privilégier les objets de seconde main. Je le fais pour plusieurs raisons : environnement, budget et chaleur dégagée par des meubles qui ont vécu.
Mais pour meubler ta maison avec des objets de seconde main, tu dois faire des sacrifices. Beaucoup de sacrifices. Quand tes amis ou ta famille passent leur soirée affalés sur le canapé devant la dernière série Netflix, un Magnum vanille-caramel à la main, toi, tu rodes sur les sites de petites annonces. Pour être hyper concentrée, tu attends que les enfants soient couchés, et que le calme règne en maître dans ton foyer. Le week-end, tu dois te lever parfois aux aurores pour visiter les vide-greniers dans des coins paumés où jamais tu n’aurais mis les pieds si tu n’avais pas ces « valeurs ». Comme je suis un peu architecte d’intérieur sur les bords (ou commère, comme tu veux), je me rends aussi dans les vide-maison : j’y déniche des perles rares, de bon matin, quand tout le monde dort et que toi tu es déjà levée depuis deux heures (merci les enfants en bas âge). Dans ce genre d’événements assez « sélect », je fais des rencontres extraordinaires avec d’autres personnes aussi malines et reines des bons tuyaux que moi. On échange des potins sur le village, les derniers rendez-vous prévus pour trouver les bonnes affaires, … et on se file aussi les bons tuyaux d’experts : « Tu connais le groupe Machin sur Facebook ? C’est réservé aux anglais, mais tu peux quand même faire une demande d’adhésion. Il y en a plein qui se débarrassent de trucs ! ».
Bref, du coup, une fois arrivée dans ce cercle restreint des dénicheurs d’affaires, tu arrives à te meubler pour pas trop cher : j’ai trouvé des chaises à 5 euros, des tables de nuit, un tapis de salon et un miroir gratuits contre un bouquet de mimosa, des étagères pour mes livres à 20 euros… si tu connais des terrassiers qui offrent les mêmes bons plans, envoie-moi un mail !
Seulement voilà. Parfois, tout ne fonctionne pas comme prévu. La table basse, par exemple. Celle que tu t’imagines dans ta tête, mais qui n’existe pas en vrai dans les magasins. Celle dont la destinée est d’être la pièce maîtresse de ton salon. Rien que ça. Cette star-là, aucun homme sur Terre ne voudrait te la vendre à bas coût, et encore moins s’en débarrasser ! Et puis, tu en as besoin assez rapidement. Tu ne vas pas vivre trente ans sans table basse. Que vont dire tes invités lorsqu’ils voudront poser leur verre de vin ? Donc quelle est la solution ?
Tu t’imagines acheter cette table basse sur un site de vente par correspondance. Ou chez Ikea. Tu culpabilises d’avance d’avoir contribué à enrichir le système et les multinationales, d’avoir cautionné la fabrication de meubles au bout du monde, dans des conditions de travail sûrement horribles. Tu te vois déjà rongée par le remord. Et le minimalisme dans tout ça ?
Allez, une table basse, c’est pas si important. Si elle est moche tant pis. Ou bien tant mieux ! Au moins tu ne stresseras pas quand tes enfants monteront dessus ou s’en serviront de bouclier anti-missiles.
Mais c’est pas si facile que ça. Tu t’embêtes à créer une atmosphère chaleureuse chez toi, et tu vas tout saboter avec une table moche. Non, non, je suis sûre que des solutions de « compromis » existent. Une troisième voie est possible, en cherchant bien. Après trente-six tergiversions dans ma tête, l’idée me vient. Et si au lieu d’acheter neuf le premier meuble qui vient chez le premier fabricant qui te vient à l’esprit, tu essayais d’être un peu éthique : privilégier les petits commerçants, les petites structures en ligne, les marchands de meuble locaux, par exemple. Préférer le fabriqué en France, et bien sûr, des matériaux durables. Ce sont des pistes. Quelques semaines plus tard, je trouve mon bonheur sur un petit site de vente en ligne inconnu du grand public.
Un matin, j’ai donc acheté un meuble neuf sur un site de vente par correspondance. J’ai cliqué sur « Acheter ». En pleine conscience, je ne vais pas te le cacher. L’opération a pris cinq bonnes et longues minutes. Le temps de m’inscrire sur le site, d’entrer mes informations personnelles, d’aller récupérer ma carte bancaire et de passer à l’acte. Je ne peux plus faire « Précédent ». Non. Décidément, je ne suis pas une bonne personne. Je ne suis pas fidèle à mes valeurs, à mes principes.
Acheter neuf, ou dans les grands magasins, ce n’est pas la fin du monde en soi. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a. À moins d’avoir du temps libre toute la journée, d’être extrêmement riche, ou d’aller dans les brocantes tous les week-ends, ou chez les antiquaires même en semaine, tu peux pas être partout. Les enfants, le travail, le mari, tout ça. On se comprend hein ?
Aujourd’hui, je meuble ma maison petit à petit, tantôt avec des meubles achetés d’occasion (ceux qui ne sont pas urgents ou qui relèvent de l’ornement), tantôt avec des coups de cœur achetés en neuf. Quand tu as une vie active, des petits enfants qui te demandent de l’attention, que tu fais déjà beaucoup d’efforts pour impacter le moins possible l’environnement, tu n’as pas forcément accès à la solution parfaite. L’idéal, selon moi, c’est de faire de ton mieux, en fonction de tes valeurs mais aussi de TON mode de vie.
Et toi, tu fais comment pour te meubler ?